Eloge du pot au feu

Le pot-au-feu : un plat qui fait la France !

Priscilla Parkhurst Ferguson

Professor Columbia University Sociology

 

"Ah! le bon pot au feu, je ne connais rien de meilleur que cela"

Avant de devenir l'emblème d'une cuisine populaire, le pot-au-feu a connu

une longue maturation historique.

 À l'origine était le pot,

Contenant ancestral,

fondement culinaire des civilisations humaines,

dans lequel on cuit soupes, bouillies et potages parfois enrichis d'un mélange roboratif de viandes et de légumes.

Le pot-au-feu qui est connu dans le monde entier ravit ainsi son nom au récipient qui l'accueille et dans lequel on le préparait autrefois.

Ainsi, il puise son origine au XIIème et XIIIème siècle,

le "pot à fu" désignait une marmite dans laquelle on faisait bouillir la viande

Par déformation au fil des ans, cela a donné "pot au feu".

Plat unique aux vertus réputées magiques,

produit d'une élaboration culinaire liée à la tradition rurale,

presque immémoriale,

il accède au statut de mythe,

alimentant la sagesse proverbiale, la littérature,  et les débats savants.

Cet ustensile et ses usages culinaires nourrissent le langage.

Le pot-au-feu a engendré de truculents dictons,

des expressions savoureuses,

des proverbes imagés,

des appellations régionales odorantes.

Le pot-au-feu est vraiment l'emblème de la cuisine française.

C'est un plat souvent considéré comme rustique 

C’est un plat traditionnel de la cuisine française.

C’est un plat de bœuf bouilli.

Certes, c’est un plat, mais pas n’importe lequel.

C’est le plat  favori des Français.

C’est un  plat qui fait la France !

C’est un plat et c’est aussi une institution.

Il fait partie de ces recettes totalement géniales qui allient simplicité et bonheur à l'état pur.

Le pot au feu est l’héritier de nos traditions culinaires.

Consacré par le comte de Mirabeau,

il était défini dans l’Encyclopédie Larousse de 1867 comme

« la base de notre cuisine nationale...

se distinguant avec lui de toutes les autres... ».

Cette nourriture terrestre et rustique partage une même histoire :

celle d'une culture alimentaire d'origine paysanne et pauvre

qui rencontra aussi la faveur des plus grandes tables.

C’est ainsi qu’il fut appeler « le repas du pauvre ».

Plat du peuple et plat de la famille,

plat du dimanche et plat de l'aisance,

plat de l'économie domestique et plat du terroir,

il incarne à l'aspiration populaire au bien et au bien-être

pour finir par devenir, à travers l'imagerie des français, un des symboles du lien spatial et mémoriel de la nation.

Plat convivial et familial,

d'une région à l'autre les viandes peuvent changer mais il y a des incontournables,

et cette odeur qui embaume la cuisine éveille les papilles

et fait évoluer au fur et à mesures de la cuisson "le sourire du pot au feu"

Simple comme la nuit des temps,

son origine doit remonter à la découverte du feu et des roches creuses dans lesquelles nos ancêtres cuisaient leurs mets.

Mais son grand mérite est de fournir un repas complet.

Dans le fameux « pot », suspendu à la crémaillère ou posé sur le fourneau, on y jette les morceaux de viande et d’os à moelle, un oignon piqué d’un clou de girofle, un bouquet garni et les légumes (carotte, céleri rave ou branche, poireau, navet ou panais, oignon, voire chou et pomme de terre...).

Ainsi, le pot au feu est tout à la fois :

un potage (le bouillon),

une viande (de bœuf)

et des légumes. (des carottes, des navets, des poireaux, des pommes de terre)

Ca mijote, puis ça se déguste en famille

(au départ seulement à la campagne...maintenant aussi en ville, tant mieux).

Enfin, "ça se déguste", hum!

Il faudrait plutôt dire: ça se lape, ça se scronch-scronch-scronche,

et on accompagne le tout de tartines de pain.

 

 Bref, ça vous requinque les soirs d’hiver.


Il est à lui seul le terme générique désignant une soupe

à base de chairs animales et de légumes,

il a engendré nombre de spécialités locales et variétés gastronomiques

aux saveurs et aux modes de présentation infinis.

De la potée, lorraine ou auvergnate,

à la garbure, languedocienne ou gasconne,

en passant par la bouillabaisse, pot-au-feu de poissons.

Le pot-au-feu

a traversé le temps, abreuvé la littérature,

les fantasmes de quelques chimistes,

et inspiré les gastronomes.

Parcours anthropologique, historique et littéraire d'un

potage « canonisé » par la tradition populaire

et parvenu au statut de plat national.

La recette du pot au feu